L’anorexie

L’anorexie 1024 683 Malika Miquel

Définition de l’anorexie

L’anorexie fait partie des Troubles du Comportement Alimentaire, avec la boulimie et l’hyperphagie. Ils sont la deuxième cause de décès chez les jeunes, derrière les accidents de la route : il est primordial de sensibiliser les personnes concernées et leurs proches, afin de libérer la parole autour de ces troubles, et d’intervenir ainsi de la façon la plus précoce possible.

L’anorexie dite « mentale »

L’anorexie se caractérise par une restriction alimentaire, qui conduit à une perte de poids significative (chez l’enfant, cela peut se manifester par un ralentissement de la croissance staturo-pondérale). On parle d’anorexie « mentale », car communément l’anorexie désigne une perte d’appétit.

Or, dans le cas de l’anorexie mentale, il s’agit d’une lutte contre la faim, qui est provoquée, entre autres, par une peur intense de grossir, malgré une insuffisance pondérale. Y est associée une altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps (dysmorphophobie), ainsi qu’un manque de reconnaissance de la gravité de la maigreur actuelle. 

Anorexie restrictive et anorexie boulimie

On distingue différentes formes d’anorexie : l’anorexie restrictive et l’anorexie boulimie. Dans le premier cas, la personne atteinte restreint quantitativement son alimentation. Dans le second cas, il existe des compulsions alimentaires, qui sont ensuite compensées par des vomissements, des laxatifs, un jeûne consécutif ou une activité physique intense. Il n’est pas rare qu’une anorexie de type « restrictif » évolue par la suite vers une anorexie boulimie: en effet, les restrictions sévères que la personne s’impose peuvent favoriser l’apparition de crises de boulimie.

Diagnostic de l’anorexie

Le diagnostic repose sur des classifications internationales de psychiatrie. Il est établi sur la base de plusieurs critères : façon de s’alimenter (restriction, éviction de certains aliments, refus de s’alimenter, phases boulimiques), et à certaines pratiques (vomissements provoqués, prise de laxatifs) ; au poids (Indice de Masse Corporel inférieur à 17,5 kg/m2) ; à la perception de soi (refus de reconnaître sa maigreur, perception déformée de son corps) et à l’estime de soi (sentiment d’avoir le contrôle sur son corps, hantise de grossir). 

Le test SCOFF, utilisé couramment au Royaume-Uni par les généralistes, a été validé en France en 2008 par la Haute Autorité de Santé. Il permet aux professionnels de santé de repérer les troubles du comportement alimentaire. Cependant, un psychiatre ou pédopsychiatre doit absolument être consulté, afin de valider le diagnostic d’anorexie et un éventuel trouble associé. En effet, 40% des personnes anorexiques ont des troubles psychiatriques associés, qu’il est indispensable de déceler afin d’adapter l’accompagnement.

Age d’apparition de l’anorexie

Le plus souvent, l’anorexie apparaît lors de la puberté, entre 14 et 17 ans : le pic de prévalence se situe vers 16 ans. Cependant on observe que ses débuts tendent à devenir de plus en plus précoces, parfois dès l’âge de 8 ans. L’âge d’apparition peut également être plus tardif, vers 18 ans ou après.

Prévalence de l’anorexie

Environ 20% des jeunes filles ont des conduites de jeûne ou de restriction à l’adolescence, mais seule une minorité développe une anorexie. Toutefois, au moindre doute, il est primordial de consulter. L’anorexie commence toujours par une période de restriction « plus ordinaire » ! Les professionnels de santé constatent quasi systématiquement que lorsque les parents font appel à eux, l‘anorexie est déjà gravement installée : les jeunes qui en sont atteints cachent si bien leurs troubles que l’entourage, bien souvent, ne se rend compte de rien.

Dans la population générale, la prévalence de l’anorexie est estimée à 1,4% chez les femmes et 0,2% chez les hommes. Cependant, pour des raisons socio-culturelles, il semblerait que l’anorexie soit sous diagnostiquée chez les hommes. On a longtemps assimilé l’anorexie à une maladie « féminine », mais c’est faux!

Les différents stades ou phases dans l’anorexie mentale

Combien de temps dure l’anorexie?

Comme pour les autres Troubles du Comportement Alimentaire, plus l’anorexie est repérée et accompagnée de façon précoce, meilleur sera le pronostic.

La phase anorexique dure 1,5 à 3 ans, parfois plus : il arrive fréquemment que la boulimie prenne le relais de l’anorexie. Après 5 ans d’évolution, les chiffres établissent qu’en moyenne 2/3 des personnes en sont guéries ; au-delà de 5 ans d’évolution, on parle d’anorexie mentale chronique, mais il est toujours possible d’en sortir même plus tardivement.

Bien que les données chiffrées permettent d’établir des repères, il est important de réaliser que chaque situation est unique, que chaque personne à sa propre temporalité et son propre chemin à faire. En d’autres termes, on ne peut pas aller plus vite que sa musique !

La phase de déni dans l’anorexie

« Je vais bien, tout va bien »

Au départ, la personne est dans une phase de déni. Le contrôle qu’elle exerce sur son alimentation, et le pouvoir qu’elle a sur son corps en maigrissant lui procurent un sentiment de « toute-puissance ». Au fond d’elle-même, une petite part d’elle se doute que quelque chose ne va pas, mais elle n’est pas prête à renoncer à son comportement. Elle sait être très convaincante envers ses proches, qui finissent souvent par la croire tellement elle semble maîtriser ce qu’elle fait. On appelle parfois cette période la « lune de miel de l’anorexie », car le trouble est perçu comme un allié, qui donne beaucoup de force à la personne malade. Physiologiquement, la perte de poids génère la sécrétion d’endorphines, hormones du bien-être.

La phase de doute dans l’anorexie

De  » L’anorexie, j’arrête quand je veux ! » à « J’y arrive pas … »

Par la suite, au fil des mois et de l’amaigrissement, une phase de doute va bien souvent s’installer : Pourquoi je n’arrive pas à m’arrêter ? N’ai-je pas perdu le contrôle ? La personne va alors commencer à se demander si elle n’aurait pas besoin d’aide. Souvent, elle aura d’abord besoin de plusieurs tentatives pour essayer de s’auto-réguler. En effet, quand elle prend conscience qu’elle souffre d’anorexie, la personne se dit que puisqu’elle s’est « mise toute seule dans cette situation », elle s’en sortira seule également. Ce n’est bien évidemment pas si simple, et elle aura peut-être besoin de se confronter à plusieurs échecs pour demander de l’aide. Ce n’est qu’en voyant qu’il est impossible d’arriver à s’en sortir sur la durée par la seule force de sa volonté, qu’elle prendra la mesure du caractère addictif de son trouble.

La phase de désarroi dans l’anorexie

« J’ai peur de ne jamais m’en sortir »

S’ensuit alors une période de désarroi, voire de dépression dans certains cas. La lune de miel est bel et bien terminée … La personne souffrant d’anorexie a l’impression qu’elle ne pourra jamais s’en sortir, tellement ce trouble a pris de place dans sa tête, dans son corps et dans sa vie …

L’anorexie est la maladie psychiatrique qui a le taux de suicide le plus élevé. L’année qui suit l’hospitalisation est statistiquement la plus à risque, car la personne se retrouve seule pour affronter son quotidien.

Le stade de désarroi est très inconfortable pour la personne qui souffre d’anorexie. Cependant, il est essentiel car il représente un point de départ à la prise de conscience qui s’ensuit. Il permet à la personne de sortir du déni pour demander de l’aide, et c’est à partir de là qu’elle va se remettre en question et pouvoir « remonter la pente ».

La phase de rétablissement dans l’anorexie

La guérison, ou rétablissement, passe généralement par de petites avancées progressives. C’est un cheminement, un processus qui prend du temps. Il est important d’en avoir conscience, autant pour la personne concernée que pour son entourage, afin d’éviter de se décourager.

Le poids remonte petit à petit, il faut éviter de se focaliser dessus autant que possible dès lors qu’il n’est pas trop bas (un IMC trop bas altère les fonctions cognitives et empêche tout travail thérapeutique). De la même façon, le rapport à la nourriture s’apaisera petit à petit. Le poids, l’alimentation et la perception négative du corps ne sont que des symptômes : la conduite anorexique permet à la personne de compenser autre chose. C’est justement ce « quelque chose » qu’il faudra aller creuser.

Comment sortir de l’anorexie?

L’anorexie requiert une prise en charge pluridisciplinaire et coordonnée. Il est important d’intervenir à différents niveaux : somatique, psychologique, nutritionnelle, social et familial.

La personne concernée aura besoin de s’appuyer sur les compétences de différents professionnels, selon ses besoins qui lui sont propres ; mais aussi selon là où elle en est. L’anorexie a des causes et conséquences multifactorielles, et impacte notamment les sphères : physique, psychique, nutritionnelle, individuelle, familiale, sociale et relationnelle. Les professionnels pouvant être amenés à intervenir autour de sa situation sont : médecins généralistes, psychiatres, endocrinologues, nutritionnistes ; psychologues ou psychothérapeutes ; diététiciens ; éducateurs spécialisés, assistants de service social, infirmiers, sophrologues, etc. Rappelons qu’il est primordial de voir un psychiatre afin d’établir un diagnostic d’anorexie, et de repérer un éventuel trouble psychique associé (présent chez environ 40 % des personnes atteintes d’anorexie).

Il est important que la personne s’entoure de professionnels de santé afin de traiter et prévenir les conséquences physiques de l’anorexie, qui peuvent être graves voire mortelles. En parallèle, elle devra effectuer un travail sur elle-même, afin de comprendre quelles sont les causes sous-jacentes qui ont déclenché les symptômes d’anorexie.

Le travail sur l’acceptation de soi et de son identité en tant que personne à part entière est primordial. Il passe souvent par l’accompagnement de différents professionnels. Ces derniers apportent un regard complémentaire, permettant de reconstituer en partie notre puzzle mystère, qui constitue la complexité de chacun d’entre nous. Ainsi, petit à petit, la personne apprendra et comprendra de nouveaux éléments concernant sa façon de fonctionner et d’appréhender le monde.

Ce travail peut être long, et passer par plusieurs phases, avec des périodes de stagnation ou de régression. Mais il ne faut pas perdre espoir, en réalité, même lorsqu’on pense stagner ou régresser … on est en chemin, donc on avance! Ces périodes font simplement partie du chemin vers le rétablissement. Pour monter un grand escalier, on a parfois besoin de faire des pauses, de s’asseoir sur une marche avant de reprendre l’ascension: c’est le même principe. Les moments où l’on a l’impression de stagner permettent en réalité de renforcer son rétablissement, et ce n’est absolument pas du temps de perdu.

En conclusion, l’anorexie est un trouble alimentaire qui n’est pas à prendre à la légère (sans mauvais jeu de mots!), car il peut avoir de graves conséquences. Ce trouble dure souvent plusieurs années, et doit s’accompagner d’une prise en charge pluridisciplinaire pour agir à différents niveaux. Il est tout à fait possible de s’en sortir, mais il faut être patient car cela prend du temps.

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